vendredi 20 juin 2008

Arrêt GUERLAIN - abandon de créance à une succursale étrangère

CE 11 avril 2008 n° 281033, 10e et 9e s.-s., SA Guerlain

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société anonyme Guerlain a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle l'administration fiscale a remis en cause la déduction d'abandons de créances consentis en 1990 et en 1991 respectivement à une succursale implantée en Australie et à une succursale située à Singapour de sa filiale à 99, 99 %, la société Guerlain Pacific Asia Ltd dont le siège social est à Hong-Kong ; que ces succursales distribuaient les produits Guerlain dans les pays où elles exerçaient leurs activités ; que l'administration a refusé les déductions au motif que ces abandons de créance étaient constitutifs de transferts de bénéfices au sens de l'article 57 du CGI ; qu'il s'en est suivi pour la société anonyme Guerlain des suppléments d'impôt sur les sociétés et des retenues à la source au titre des exercices clos en 1990 et en 1991 ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 57 du CGI : « Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France » ; qu'en vertu du I de l'article 209 du même Code, ces dispositions sont également applicables à l'établissement de l'impôt sur les sociétés ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la cour administrative d'appel a examiné l'intérêt commercial présenté comme la contrepartie des abandons de créance litigieux ; qu'elle n'a ni inversé la charge de la preuve ni commis d'erreur de droit sur ce point ;

Considérant que les abandons de créance consentis aux succursales de Singapour et d'Australie, dépourvues de personnalité juridique, l'ont été nécessairement à la filiale Guerlain Pacific Asia Ltd à laquelle lesdites succursales appartenaient ; qu'en appréciant le caractère des abandons de créance litigieux au regard des relations entre la société anonyme Guerlain et sa filiale, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant que la cour administrative d'appel a pris en compte, à juste titre, l'intérêt stratégique et commercial des marchés d'Australie et de Singapour pour la distribution des produits de la société anonyme Guerlain et les besoins allégués de la filiale Guerlain Pacific Asia Ltd de disposer de fonds propres nécessaires au développement d'autres marchés en Asie pour ces mêmes produits ; que la cour a constaté, toutefois, que ladite filiale, dont les résultats étaient bénéficiaires malgré les difficultés financières de ses deux succursales, avait versé à sa société mère des dividendes significatifs non soumis à l'impôt sur les sociétés ; qu'elle a pu déduire de ces constatations que la société n'établissait pas l'existence de besoins de financement de sa filiale répondant à l'intérêt du développement commercial de la société anonyme Guerlain ; qu'ainsi, en jugeant que les abandons de créance litigieux étaient constitutifs d'un transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du CGI, la cour administrative d'appel n'a ni commis d'erreur de droit ni faussement qualifié les faits qui lui étaient soumis ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé ;

Décide : Rejet.